‘Je vous aime’

Vient de paraître sur « De Braises et d’Ombre » :

‘Je vous aime’

Ce qu’on apprend dans les livres c’est à dire « je vous aime ».

Christian Bobin – La part manquante

Knut Ekwall

Un court extrait de « La part manquante » de Christian Bobin, lu sur des tableaux de maîtres connus et moins connus…

Aimer !
Et s’il reste un peu de temps libre, lire, voir, écouter. . . !

Lettre à un ami (extraits)

Vient de paraître sur « De braises et d’ombre » :

Lettre à un ami (extraits)

Ne jamais oublier d’aimer exagérément…
                             c’est la seule bonne mesure !

Christiane Singer

Christiane Singer 1943-2007

« Lettre à un ami », c’est le premier chapitre d’un roman initiatique de Christiane Singer, « Les sept nuits de la reine », publié en 2002 chez Albin Michel.

Quelques extraits choisis, tirés de la version intégrale du roman lu par son auteure, passionnée par la vie.

Lire, voir, écouter la suite . . .

Et vous, l’aimez-vous…?

Vient de paraître sur « De braises et d’ombre » :

Et vous, l’aimez-vous…?

Wyslawa Szymborska (Pologne 1923-2012)

Certains aiment la poésie

Certains –
donc pas tout le monde.
Même pas la majorité de tout le monde, au contraire.
Et sans compter les écoles, où…

π

[…]

Cette voix sensible, indépendante, qui avait décidé de raconter la vie, tout simplement, en quelques recueils, depuis Cracovie qu’elle ne quitta pour ainsi dire pas, obtint le Prix Nobel de Littérature en 1996…

Lire, voir, écouter la suite . . .

 

Cet amour

Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blêmir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelle
Et qui n’a pas changé
Aussi vrai qu’une plante
Aussi tremblante qu’un oiseau
Aussi chaude aussi vivante que l’été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort,
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi je l’écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui nous sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.

Extrait de Jacques Prévert, Paroles, Paris, Gallimard, 1946.

Les chants des hommes

Leurs chants sont plus beaux que les hommes,
plus lourds d’espoir,
plus tristes,
plus durables.
Plus que les hommes j’ai aimé leurs chants
J’ai pu vivre sans les hommes
jamais sans les chants ;
il m’est arrivé d’être infidèle
à ma bien aimée,
jamais au chant que j’ai chanté pour elle ;
jamais non plus les chants ne m’ont trompé.

Quel que soit leur langage
j’ai toujours compris tous les chants.

En ce monde,
de tout ce que j’ai pu boire
et manger,
de tous les pays où j’ai voyagé,
de tout ce que j’ai pu voir et entendre,
de tout ce que j’ai pu toucher et comprendre,
rien, rien
ne m’a rendu jamais aussi heureux
que les chants.
Les chants des hommes.

Nazim Hikmet - 1902-1963

Nazim Hikmet – 1902-1963

  Poème écrit le 20 septembre 1960

Nazim Hikmet (in « Il neige dans la nuit » – Poésie Gallimard)

L’autoroute pour Tahiti

 » Il faut choisir d’aimer les femmes ou de les connaître.  » (Chamfort)

Brassaï ~ Colonne Morris - Paris, 1934

Brassaï ~ Colonne Morris – Paris, 1934

Paris commençait à allumer ses premières lumières ce dimanche soir d’automne, et envoyait ainsi à l’incessante pluie qui noyait la Seine depuis midi, un impératif signal de fin. Victor allait enfin pouvoir aérer sa machine à questions qui, toute la journée, l’avait transformé en lion dans sa cage. Faire quelques pas dans la fraîcheur du soir entre les reflets arc-en-ciel des pavés mouillés lui permettrait sans doute de trouver une explication aux étranges comportements de Katia. Il l’aime tant Katia…

Ils n’étaient pas bien nombreux les candidats à la promenade ce soir : en une vingtaine de minutes Victor n’avait croisé qu’un couple marchant serré au pas cadencé. Sa respiration trouvait maintenant un tempo plus calme et quelques idées positives osaient revigorer ses espérances. Ragaillardi, il shoota généreusement dans une boîte de soda, vide, abandonnée sur les pavés par l’incivilité trop habituelle d’un contemporain. Le bruit rugueux de la ferraille frottant le sol lui rappela qu’il aurait été tout de même mieux de la ramasser et de la mettre dans la poubelle qui à quelques centimètres seulement lui faisait de l’œil. Il en était encore temps.

Laszlo Moholy-Nagy - Autoportrait de profil-1922

Laszlo Moholy-Nagy – Autoportrait de profil-1922

À peine la cannette eut-elle touché le fond de la poubelle qu’une petite déflagration sèche claqua au milieu d’un nuage de fumée blanche jaillissant à la face stupéfaite de Victor. Le pas d’esquive qu’il avait spontanément esquissé, par réflexe, n’eut pas le temps de lui restituer complètement son équilibre. Déjà une voix de basse se mit à le haranguer d’un ton sec, partagé entre autorité et agacement. Elle sortait de la bouche parfaitement dessinée d’un petit homme chauve et replet en pantalon rouge froissé et t-shirt vert, et la fine moustache qui la surmontait comme un surlignage clownesque conférait étrangement à ce visage imberbe une touche de douceur espiègle plutôt inattendue :

Bon, écoute-moi bien ! Hors de question qu’on y passe des heures ! J’suis ton bon génie. Je poireaute recroquevillé dans cette cannette de merde depuis un temps infini. Tu as fait ta B.A., tu l’as ramassée et jetée, parfait. Ça te vaut ma présence et mes services. Alors on va pas se la jouer classique, genre  » Aladin et la lampe merveilleuse «  du style  « tu fais trois vœux de conte de fée, j’te les réalise, t’épouses la princesse, tout le monde est content… etc. » Pas le temps ! Tu choisis un vœu, un seul et basta ! J’opère, j’te l’exauce et j’me casse. OK ?

Surpris, décontenancé, se demandant si il délirait ou si il était entré éveillé dans un rêve fou, Victor s’ébroua, comme un chien sortant de l’eau, et constatant que son génie en habit de sémaphore était toujours là, le regard impatient rivé sur lui, il finit par lui faire cette réponse dont la craintive timidité ne parvint pas à étouffer l’enthousiasme juvénile qui l’inspirait :

Ah, oui, bien sûr, j’aimerais tellement aller à Tahiti, me baigner dans le lagon, manger des langoustes à tous les repas, admirer les danseuses dans le soleil, retrouver la trace de Gauguin… Mais j’ai un problème de taille : j’ai très peur de l’avion et je ne supporte pas le bateau qui me rend malade dès la première minute au port. Alors, puisque vous avez tout pouvoir et que vous voulez bien le mettre à ma disposition pour une fois, faites-moi donc une route jusque là-bas. Je pourrais ainsi voyager de Paris à Papeete en voiture. Et mon vœu sera réalisé.

Le génie haussa d’abord les épaules, puis le ton. Il lança :

Mais, mon ami, t’es complètement barge ! Tu imagines une route jusqu’à Tahiti ? Tu vois le chantier ? Les engins, les terrassiers, les ponts, le bitume, les kilomètres et tout le toutim. Mais je suis tombé sur un maboul ! Comme d’habitude, les dingues c’est pour ma pomme !…  Allez, trouve-toi un autre vœu et qu’on en finisse !

Alors Victor, rattrapé par les questionnements de sa journée, la voix tremblante, confidente, tout juste audible  :

Vous savez, j’atteins bientôt la cinquantaine et j’ai bien vécu, certes ; j’ai fait d’aimables rencontres, beaucoup ; j’ai failli me marier deux fois. Mais je dois avouer que je n’ai jamais réussi à comprendre les femmes. Si vous pouviez m’y aider… ?

Ce à quoi, le génie soudain décidé, sans même s’octroyer une seconde de réflexion supplémentaire, répondit avec ardeur :

L’autoroute pour Tahiti !… Quatre ou six voies ?

Paul Gauguin, Fatata te Miti (Près de la mer), 1892 -National Gallery of Art, Washington

Paul Gauguin – Fatata te Miti (Près de la mer) – 1892 – National Gallery of Art – Washington

Sous la pluie : Aimer… Danser

Quand, paradoxalement, la pluie catalyse la passion des corps, elle confère à la grâce de leurs mouvements la sensualité des modulations d’une harmonie divine.

Le chorégraphe, sculpteur des corps, mais aussi jongleur d’âmes, se pose ainsi en demi-dieu.

HD disponible (Roue dentelée en bas à droite de l’image en mouvement)

Vidéo :  » Passage  »  –  Musique et réalisation de  Fabrizio Ferri

Danseurs : Polina Semionova & Roberto Bolle

La nuit 8 – La chambre des amants

 » On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois ; mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.  »    Alfred de Musset

Éternels gestes de l’amour, pantomime universelle, danse rituelle spontanément éclose au fond des âges ; chorégraphie naturelle des corps, jamais apprise et cependant sue ; magie toujours recommencée et chaque fois différente d’un souffle de création unique, épiphanie du divin, fusion de deux êtres de chair dans l’indicible lumière d’une éphémère union :

Deux amants, dans l’intimité de leur chambre d’amour.

Deux exceptionnels danseurs, Lucia Lacarra et Cyril Pierre, un chorégraphe inspiré, Val Caniparoli, et un musicien (au hasard), Frédéric Chopin, et nous voilà transportés dans la chambre des amants. Désormais, grâce à eux, spectateurs émerveillés d’un pas d’amour que la pudeur du couple blotti dans sa nuit aurait encore dissimulé à la curiosité de nos regards envieux.

Aimer !

Vidéo visible en HD (roue dentelée en bas et à droite de l’image)

La nuit 7 – Le vœu des amants

La nuit

Nuit sainte, les amants ne vous ont pas connue
Autant que les époux. C’est le mystique espoir
De ceux qui tristement s’aiment de l’aube au soir,
D’être ensemble enlacés sous votre sombre nue.

Comme un plus ténébreux et profond sacrement,
Ils convoitent cette heure interdite et secrète
Où l’animale ardeur s’avive et puis s’arrête
Dans un universel et long apaisement.

C’est le vœu le plus pur de ces pauvres complices
Dont la tendre unité ne doit pas s’avouer,
De surprendre parfois votre austère justice,
Et d’endormir parmi votre ombre protectrice
Leur amour somptueux, humble et désapprouvé…

Anna de Noailles  (Recueil : « Les forces éternelles » – 1920)

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