Vient de paraître sur « De Braises et d’Ombre » :
Première parution sur « Perles d’Orphée » le 7/01/2013
Première parution sur « Perles d’Orphée » le 7/01/2013
Tardif rapprochement de deux émotions, aussi anciennes que sympathiques, autour d’oiseaux prophètes, héros de fable ou chanteur romantique dont les facéties de mon esprit m’avaient jusqu’ici caché la pourtant trop évidente gémellité.
Et les échos de leur chant de sagesse…
J’étais seul, j’attendais, tout mon cœur attendait.
Un jour j’ai lu Valéry. J’ai su que mon attente était finie.
Rainer Maria Rilke
De sa grâce redoutable
Voilant à peine l’éclat,
Un ange met sur ma table
Le pain tendre, le lait plat ;
Il me fait de la paupière
Le signe d’une prière
Qui parle à ma vision : …
« C’est lorsqu’il parle en son nom que l’homme est le moins lui-même. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité. »
Oscar Wilde
Ôte de ton manteau
la boue aigre de tes colères,
demain, peut-être, il te sera linceul !
[…]
Aphorismes inspirés par des masques
Masques illustrant des aphorismes…
Ce matin-là, le pauvre Woula, désespéré par l’impitoyable avarice de son lopin de terre, se résigna à abandonner son misérable séjour. De tous les paysans des alentours, il était sans aucun doute le plus défavorisé et partant le plus malheureux. Il prit donc la route, la tête basse, le pas traînant mais résigné, vers les rives du fleuve qui, peut-être, montrerait à son égard un peu plus de générosité, lui offrant quelques poissons pour apaiser la faim qui le tenaillait depuis plusieurs jours.
Des milliers de pas plus loin, à la lumière émoussée du jour finissant, les cris d’oiseaux divers retentissaient plus nombreux et plus sonores et la brise qui balayait le chemin sentait bon le large ; Woula avait compris qu’il atteignait enfin son but ; l’aspect labyrinthique que conféraient au paysage les tannes, ces petits îlots de terre sèche et salée posés ici et là au milieu des eaux basses, confirmait sa conviction.
Tout à l’espérance nouvelle qu’alimentaient ses sens, Woula n’avait pas remarqué l’homme immense et filiforme qui s’était approché de lui pendant qu’il contemplait les bords du fleuve. La peau aussi noire que la sienne, drapé dans un boubou dont la blancheur immaculée renforçait le contraste que faisaient les amulettes multicolores suspendues au bout des sautoirs enroulés autour de son interminable cou, l’homme, immobile, regardait fixement Woula. Le large sourire d’émail qui fendait son visage faisait écho à la bienveillance qu’exprimait ses grands yeux brillants, et cette attitude amicale suffit à éviter que la surprise de Woula ne virât à la crainte.
L’homme se présenta :
– Mon nom est Mbakhané. Tu ne me connais pas, mais moi je sais qui tu es, et je sais tes malheurs. Rog (Dieu) m’a confié d’immenses pouvoirs. Grâce à eux je peux réaliser ton vœu le plus cher. Et j’y suis disposé.
– Oh ! Merci ! Merci Maître ! Je sais ce que je veux… Je le sais, sans hésiter…
– Pas d’emballement ami ! Réfléchis tranquillement. Tu as deux jours pour cela. Mais sache bien que je donnerai à ton voisin le double de ce que je te donnerai, quel que soit ton souhait. Tiens, garde cette petite amulette de tissu pour t’aider à te concentrer dans tes réflexions, tu me la rendras dans deux jours, ici même, à l’heure où le soleil rougeoie avant de plonger dans la mangrove. Alors tu exprimeras ton souhait et je l’exaucerai. A plus tard !
Depuis le départ de Mbakhané, Woula ne prêtait plus aucune attention à son estomac vide, et encore moins à ces rêves de poissons qui attendaient là, tout près, dans les eaux voisines ; rien ne comptait plus que le vœu qu’il exprimerait bientôt. Il tripotait nerveusement l’amulette, la faisant sans cesse passer d’une main dans l’autre, et il pensait :
– Une caisse d’or ! Oui, une caisse d’or. Oh mais mon voisin en aura deux… Non ! Pas question !
– Une belle maison !… Et mon voisin en aura deux qu’il pourra réunir et ainsi être propriétaire d’un petit palais… Non ! Non !
Aucun des vœux qu’il formulait ne retenait son approbation, trop favorables qu’ils étaient, systématiquement, aux intérêts de son voisin. Quel souhait pourrait-il donc bien exprimer qui ne le désavantagerait pas, lui, Woula, par rapport à ce voisin peu sympathique, et qui l’avantagerait même, plutôt ?
Les deux jours étaient écoulés. Le moment de se rendre au rendez-vous de Mbakhané approchait, et toujours aucune décision. Il décida de terminer sa réflexion en marchant. Il se mit donc en chemin, tout en égrenant la longue liste de ses hypothèses.
Quand il arriva au lieu convenu, il trouva son bienfaiteur assis au pied d’un étroit palétuvier. Le temps de partager un salut et celui-ci lui demanda d’abord de lui restituer l’amulette. Puis il enchaîna :
– Alors, Woula, as tu choisi ton vœu ?
– Oh oui ! répondit le malheureux enfin déterminé, je veux que tu me crèves un œil !
Comme il est agréable, quand le printemps fait éclater les tendres couleurs de sa jeunesse, d’emprunter, pour rejoindre le village, l’étroit chemin de terre qui suit les bords translucides du lac. Certes le trajet est un peu plus long, car on y rencontre les voisins que les rigueurs de l’hiver ont tenus éloignés.
Ce matin-là, le clocher sonnait déjà le onzième coup de midi et personne encore au sein du petit groupe rassemblé sur la rive ne ne s’était laissé aller aux sempiternelles fadaises sur l’inexorable fuite du temps. Et pour cause… Tous étaient captivés par l’énigme qui les préoccupaient : quelques minutes avant que les premiers eussent commencé à former l’attroupement, Pavel, le jeune apprenti boucher, rentrant de livraison, avait aperçu, là, tout près du rivage, posé sur le fond du lac, à quelques centimètres de profondeur, un bracelet en or qui ne demandait qu’à être ramassé. Un jeu d’enfant. Et comme il n’y avait aucun témoin, une merveilleuse aubaine !
Accroupi sur le sable du rivage, le jeune homme plongea son bras au fond de l’eau, mais le bracelet disparut aussitôt. Il renouvela son geste plusieurs fois, changea de position, modifia l’angle de pénétration de son bras dans l’eau, rien n’y faisait. Tous ses efforts s’avéraient vains, le bijou disparaissait dès que sa main brisait la surface liquide. Les curieux, pendant ce temps, s’étaient multipliés autour de lui.
Tous voyaient l’objet précieux, immobile, offert sans entrave à la main qui le saisirait, mais aucune ne parvenait à s’en emparer. Pavel en était à sa vingtième tentative, tout aussi vaine que les précédentes. Chaque fois qu’il croyait avoir atteint son but, ses doigts se refermaient sur quelques bulles d’eau claire et le bracelet s’effaçait pour réapparaître à la même place aussitôt l’onde apaisée. Personne ne comprenait l’étrange phénomène, mais chacun était sûr que la prochaine tentative serait la bonne.
Pourquoi donc, ce bracelet, que tout le monde pouvait parfaitement voir au fond de l’eau, sans nul doute possible, était-il donc inatteignable ? Les esprits s’échauffaient et chacun y allait de son hypothèse : untel disait que le Diable prenait un malin plaisir à les tourner en bourriques, tel-autre prétendait que Dieu, lui-même, voulait les mettre à l’épreuve de leur cupidité, certains, perplexes, demeuraient muets, mais derrière la fixité de leur regard on pouvait imaginer leur crainte d’avoir été victimes d’une quelconque malédiction.
L’énigme avait touché à ce point paroxystique, lorsqu’un membre du groupe pétrifia d’un cri la petite communauté effervescente : il avait aperçu à une centaine de pas environ, près des rochers qui dominent le lac, le vieux Vaclav, un homme d’âge avancé, solitaire, mais toujours affable avec qui venait à sa rencontre, et jamais avare de ses connaissances et de sa sagesse envers qui les sollicitait :
– Hé ! Monsieur Vaclav ! Monsieur Vaclav ! S’il vous plaît, rejoignez-nous, on a besoin de vous. S’il vous plaît !
Vaclav leva légèrement le bâton qui lui servait de canne en guise d’accusé-réception et se mit en marche, de son pas habituel, tranquille, vers le petit groupe impatient.
Dès que le vieil homme eut pris sa place au centre de l’assemblée, le jeune livreur commença le récit de son incroyable aventure avec ce maudit bracelet ; chacune de ses phrases était ponctuée par le hochement de tête approbatif d’un témoin ou par un murmure choral de confirmation. Il fallait évidemment que le « Maître » n’ignorât aucun détail si l’on voulait que son avis fût aussi judicieux que possible.
Vaclav s’approcha du bord du lac, regarda l’eau claire qui ne cachait ni les cailloux moussus posés sur le fond, ni le bracelet. Après une poignée de secondes, il affirma :
– Le bracelet n’est pas au fond de l’eau.
Stupéfaction générale. Devinant les interrogations que personne n’osait formuler à haute voix, Vaclav, en forme de réponse, tendit un doigt vers le sommet d’un arbre dont le feuillage en avancée sur la rive surplombait le lac à l’endroit du rassemblement. Accroché à l’une des branches, un bracelet, illuminé par le plein soleil de midi, brillait de tous les éclats de l’or. Il se reflétait dans le miroir des eaux, quelques mètres plus bas. Une pie – voleuse, comme chacun sait – aura probablement dérobé le bijou et l’aura abandonné là, sur cette branche.
Le vieux sage s’apprêtait à reprendre sa route, abandonnant son petit monde à sa surprise et à sa déconvenue. Avant de partir, esquissant un sourire discret et bienveillant, il ajouta :
– Prenez garde aux illusions de la matière ! A ne jamais regarder vers le haut, on ne doit pas s’étonner de ne voir que le reflet de ce qui est au-dessus de soi.
Il n’y a semble-t-il qu’un moyen de se sortir de l’impossible, l’impossible lui-même. Ce conte venu d’un vieux temps et d’un pays lointain en est une bien amusante illustration.
Dans la Perse safavide du XVIème siècle vivait, dans un somptueux palais près de Tabriz, un richissime émir puissant de toute la confiance que son seigneur le Shah plaçait en lui. Il s’appelait Mehran.
« Mehran, le père extasié ». Son entourage l’avait surnommé ainsi tant il nourrissait pour sa fille Hengameh (merveille en langue persane) un amour paternel sans borne et sans égal. Hengameh était née, treize ans avant les faits de ce récit, de Feyrouzah (précieuse), qui ne survécut pas aux douleurs de l’accouchement. Ce décès attrista si profondément Mehran que toute sa passion se reporta sur cette enfant, fruit de leur union ; et très vite Hengameh occupa toute la place que le cœur déchiré de Mehran pouvait consacrer à l’amour. Il faut dire que depuis que Feyrouzah était devenue sa favorite, et aussi longtemps qu’elle demeura près de lui, Mehran, jamais, n’accorda ses faveurs à aucune de ses autres épouses. Toutes les femmes de la terre se confondaient en elle seule.
Évidemment rien n’était trop beau, trop grand ou trop cher pour la fille que lui avait laissée son aimée. Non seulement il comblait Hengameh des présents les plus nobles, mais il lui était impossible de résister à ses caprices, fussent-ils les plus fous ; il savait que très vite désormais arriverait le moment de la séparation, celui, inéluctable, où il devra la laisser rejoindre un époux qui la fera mère à son tour. Aussi avait-il décidé que chaque instant passé avec sa douce fille serait pour lui une occasion supplémentaire de donner vie aux désirs, quels qu’ils fussent, de son enfant adorée.
Un jour, alors que la jeune Hengameh venait de passer une bonne partie de son après-midi à regarder, fascinée, se former des perles d’eau à la retombée des gerbes légères que le jet d’eau, depuis le centre du bassin, envoyait vers le ciel, elle eut une idée, un caprice, aussi naïf que nouveau, qu’elle comptait bien que son père, une fois encore, exaucerait.
– Père, lui dit-elle, Père, je voudrais tellement avoir un collier en perles d’eau, ces perles joyeuses qui se bousculent au pied du jet d’eau dans le grand bassin.
– Ma douce, ma tendre Hengameh, comment pourrais-je te le refuser ? Tu l’auras ton collier. Je m’en occupe immédiatement. Et Mehran de faire aussitôt signe au factotum qui habitait son ombre : – Je veux que demain à 10 heures tous les joailliers et orfèvres qui fournissent le palais soient rassemblés dans le jardin autour du grand bassin. Va !
Le lendemain matin, à 11 heures, après avoir volontairement laisser s’impatienter les artisans alléchés par les commandes qu’ils escomptaient se voir confier, l’émir Mehran, resplendissant dans sa tenue de soie lamée aux reflets d’émeraude, la tête surmontée d’un somptueux turban blanc pailleté d’or, se montra en haut des marches. D’un seul mouvement la quinzaine de bijoutiers présents s’inclina docilement dans un murmure désordonné de saluts respectueux, voire obséquieux. D’un geste imperceptible de maître marionnettiste le prince les fit se redresser. Il leur dit :
– Je souhaite offrir à ma fille chérie un éblouissant collier de perles… (Dans tous les regards déjà brillaient les lumières des généreux profits). Mais pas de ces perles que vous avez l’habitude de traiter, que l’on cueille sur les quais de nos ports, fraîchement arrivées d’îles lointaines, non ; celles que vous voyez là, tout près de vous, cristallines, au pied des gerbes de ce jet d’eau.
Stupéfaction générale. Le plus ancien de la corporation qui avait de fort longue date fait la preuve de son sérieux et de son talent auprès de l’émir et de sa cour, leva la main et commença à expliquer avec force précaution au prince, s’évertuant à chasser le mot « bulle » de son vocabulaire, que la chose était impossible, que ce n’était que de l’eau, qu’il ne s’agissait pas ici de vraies perles…etc…etc. Mehran interrompit cette litanie de l’impuissance d’un doigt dressé, péremptoire, qui du même coup missionnait deux gardes en direction de l’insolent, prompts à l’emmener à la prison du palais.
L’assistance s’était pétrifiée. Un autre bijoutier, toutefois, décida de briser la chape de silence et tenta de dire avec mille circonlocutions qu’il pourrait essayer mais que malgré sa haute compétence en orfèvrerie il doutait vraiment que le résultat… Le doigt du prince se leva à nouveau, impitoyable, et les gardes prirent aussitôt en charge le nouvel incapable.
C’est alors qu’un jeune orfèvre, qui avait compris que bientôt toute la confrérie se trouverait enfermée dans les geôles du palais, s’avança devant le groupe et tint avec bravoure ce langage au prince :
– Seigneur, je ne suis ni le plus ancien, ni le plus expert de tous ces artisans renommés qui sont là aujourd’hui, rassemblés pour te servir, mais j’ai ramené quelques secrets de mes voyages, et je veux bien faire pour ta fille le plus beau collier du monde avec ces perles d’eau. Et gratuitement. En effet, Seigneur, l’honneur de te servir sera ma plus belle récompense ; je souhaite seulement que tu acceptes mes deux conditions.
– Qu’à cela ne tienne, dit avec solennité l’émir, je les accepte d’avance. Quelles sont-elles ?
– La première, Seigneur : que tu libères mes deux honorables confrères que tu viens de jeter en prison… (La phrase n’était pas terminée que déjà Mehran d’un geste avait ostensiblement transmis un ordre en ce sens)
– La seconde, continua le jeune orfèvre, est tout entière tournée vers le plus grand désir que nous avons en commun : le bonheur de ta chère fille. Aussi, pour que chacune des perles qui formera le collier soit à sa totale convenance, afin qu’aucune d’entre elles ne lui soit jamais prétexte à un quelconque regret ou à quelque possible déception, je souhaite qu’elle les choisisse et les recueille elle-même dans ce bassin. Dès qu’elle en aura rassemblé une bonne centaine tu me les feras parvenir par ton plus zélé messager, et dans l’instant, mes ouvriers, mes apprentis et moi-même, mettrons jour et nuit, tout notre cœur et toute notre science au service de l’accomplissement de notre plus pur chef-d’œuvre, pour donner pleine satisfaction à ta Grandeur, O Mon Prince !
Musique : Concerto pour hautbois de Marcello en ré mineur – 2ème mouvement – Adagio
La complainte de la flûte
Écoute la flûte de roseau, écoute sa plainte
Des séparations, elle dit la complainte :– Depuis que de la roselière, on m’a coupée
En écoutant mes cris, hommes et femmes ont pleuré.– Pour dire la douleur du désir sans fin
Il me faut des poitrines lacérées de chagrin.– Ceux qui restent éloignés de leur origine
Attendent ardemment d’être enfin réunis.– Moi, j’ai chanté ma plainte auprès de tous,
Unie aux gens heureux, aux malheureux, à tous.– Chacun à son idée a cru être mon ami
Mais personne n’a cherché le secret de mon âme ;– Mon secret pourtant n’est pas loin de ma plainte,
Mais l’œil ne voit pas et l’oreille est éteinte.– Le corps n’est pas caché à l’âme ni l’âme au corps,
Ce sont les yeux de l’âme seuls qui pourraient le voir.– Le chant de cette flûte, c’est du feu, non du vent.
Quiconque n’a pas ce feu, qu’il devienne néant !– C’est le feu de l’amour qui en elle est tombé,
Et si le vin bouillonne, c’est d’amour qu’il le fait.– La flûte est la compagne des esseulés d’amour,
Et nos voiles par ses notes, connaissent la déchirure.&
– La flûte est le poison et l’antidote aussi.
Elle est l’amant, elle est l’Aimé, elle est ainsi.– La flûte dit le récit du chemin plein de sang
Et les histoires des fous d’amour et des amants.– Il faut avoir perdu la raison pour comprendre,
Mais la langue n’a que l’oreille comme cliente.– En ce chagrin brûlant, notre âme s’est perdue.
Ces jours sont devenus compagnons de nos brûlures.& …
Ces distiques, joliment dits par Carolyne Cannella, sont les vers qui ouvrent le Mathnawî-I Ma‘navî, « le Poème spirituel » – qui en compte plus de 2500 -, œuvre majeure du grand poète mystique persan du XIIIème siècle, Rûmi.
Quelques phrases d’Eve Feuillebois-Pierunek*, spécialiste de littérature mystique persane à la Sorbonne, pour replacer cette évocation poétique dans le contexte de cette œuvre immense du Maître :
Les parties didactiques révèlent une immense érudition, sans jamais tomber dans la sécheresse ou l’abstraction. […]
Les parties extatiques sont parmi les plus beaux morceaux de poésie lyrique persane.
L’auteur y chante le désir fou de l’Autre, la nostalgie de l’Origine, la douleur de la séparation, la disparition de l’être aimé, face de Dieu et voile recouvrant l’univers, la déification par laquelle on accède à un état indicible où l’on n’est plus. Le passage le plus célèbre du Mathnawî est l’exorde, constitué d’une métaphore filée. La flûte de roseau (nay) personnifie la voix de Rûmî et exprime son credo poétique : l’essence même de la poésie la voue à l’expression de la souffrance de l’exil et du désir de la réunification. Le parcours de la flûte de roseau s’apparente à celui de l’homme, éloigné de sa patrie céleste, conscient de cette séparation et capable de la dire.
Rûmi, qui très vite fut appelé avec la plus grande déférence, Mawlānā (Notre Maître), homme de tolérance et d’ouverture, d’une profonde spiritualité, exerça sur le soufisme – l’ésotérisme islamique – une immense influence, toute empreinte d’une haute sagesse contemplative et méditative destinée à trouver la voie vers l’amour de Dieu.
Poésie, musique et danse furent, à n’en pas douter, les moyens forts de son expression ; c’est lui qui a fondé en Turquie l’ordre des Derviches tourneurs célèbres pour leur danse-toupie (samâ).
Lady Camilla Gordon Lloyd, vieille dame très digne de la plus haute société britannique, a décidé de s’éloigner quelque temps de son très confortable manoir de Birmingham. Un safari photo en Afrique du sud, voilà qui lui convient parfaitement pour s’extraire de ses obligations mondaines, trop nombreuses désormais, et devenues autant d’agressions pour sa misanthropie grandissante. Elle a fermement refusé toute compagnie pour ce voyage, mais en aucun cas elle n’aurait accepté de se séparer de son chien Fagin, un vieil airedale terrier roux et noir, expert en espièglerie et fantaisie canines – qualités congénitales qui lui valurent, aussitôt adopté après sa naissance, d’endosser le nom de ce sulfureux personnage de Charles Dickens qui dans Oliver Twist apprend aux enfants l’art de devenir fins roublards et habiles pickpockets.
Cette après-midi, de retour d’une rude matinée de marche à la recherche des plus insolites clichés d’animaux sauvages, Madame se repose, confortablement installée dans un vieux pullman dont le cuir craquelé pourrait bien avoir appartenu un jour au buffle dont le trophée trône au dessus du bar. Une tasse de Earl Grey fumante attend patiemment sur un guéridon tout proche pendant qu’un compagnon de « chasse » raconte, enthousiaste, ses exploits passés.
Fagin, qui trouve trop passives ces mondanités à une heure où il fait encore si clair, décide d’aller visiter les environs du luxueux hôtel de brousse. Il s’éclipse, se glisse sous la clôture et s’en va sans trop savoir où le mèneront ses pas. Déjà bien loin de son point de départ, perdu, cherchant à retrouver le chemin du retour, il avise un léopard qui s’approche de lui avec l’évidente intention de le choisir comme plat de résistance pour son dîner. Le félin semble bien jeune et peu expérimenté, mais le danger n’en est pas moindre pour autant.
– Oh, se dit-il, mes affaires ne vont pas au mieux ; mais surtout ne pas courir ! C’est que ça va vite ces bêtes là, je n’irai pas bien loin.
Il remarque alors, à quelques pas de lui, une vieille carcasse desséchée, s’en approche, et, dédaignant le fauve dont déjà le souffle fétide fait frissonner son échine, en croque bruyamment les os. Une seconde à peine avant que le léopard ne déploie son bond fatal, Fagin, dans un bâillement de bien-être, s’exclame haut et fort : – « Ce léopard était vraiment délicieux, j’espère bien qu’il y en aura encore un dans les parages. »
Il n’en fallait pas plus pour effrayer le jeune félin qui aussitôt se fond dans l’herbe jaunie avant de détaler à toute vitesse.
Un singe, assis dans son arbre, aux premières loges de la supercherie, se dit qu’il pourrait faire de ce léopard son nouvel ami, puissant protecteur de surcroît. Le voici donc qui file à la rencontre du fauve, bien décidé à tout lui raconter en échange de sa bienveillance.
Le vieux chien voyant le singe aussi pressé de quitter son arbre subodore que quelque chose doit se tramer qui ne devrait pas lui être favorable. Il verra bien, le moment venu. Le singe, de son côté, ayant rejoint le léopard, lui propose le marché. Affaire conclue.
Furieux d’avoir été si facilement berné par un vil domestique, bavant de colère, le félin ulcéré invite son nouvel ami à grimper sur son dos et entame aussitôt une course effrénée à la recherche du pauvre chien. Toutes les trois foulées le singe-jockey entend marmonner sa monture : – « il va apprendre la vie sauvage, ce petit malin des villes… »
Fagin, truffe en avant à la recherche active de son chemin, aperçoit au loin les deux complices qui courent à sa rencontre : – « Que vais-je bien pouvoir faire maintenant ? » se demande-t-il.
Et, à nouveau, au lieu de choisir la fuite, notre terrier s’assied, dos à ses adversaires, dans la posture tranquille d’un véritable old british gentleman installé devant un verre de whisky au Royal Thames Yacht Club. Bien que tous ses sens soient en éveil, il affecte de ne pas avoir vu ses agresseurs. Mais, dès que les deux compères parviennent à portée de voix, Fagin laisse échapper un long soupir agacé et dans un retentissant soliloque d’impatience : – « Mais où est donc passé ce foutu singe ? Voilà presque une heure que je l’ai envoyé me chercher un autre léopard ! »
…
L’histoire ne dit rien de la nuit de Fagin au pied du lit de sa maîtresse… mais il n’est pas interdit d’imaginer qu’un chien qui parle puisse aussi sourire, même dans son sommeil.
Âge et ruse valent souvent mieux que force et jeunesse. Isn’t it ?
Water is taught by thirst
Land – by the ocean passed
Transport – by throe –
Peace -by it’s battle told –
Love, by Memorial Mold
Birds, by the snow
On apprend l’eau – par la soif
La terre – par les mers qu’on passe
L’exaltation – par l’angoisse –
La paix – en comptant ses batailles –
L’amour – par une image qu’on garde
Et les oiseaux – par la neige
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