Parcourir l’Arbre Se lier aux jardins Se mêler aux forêts…
Andrée Chedid 1920-2011
Un poème d’Andrée Chedid comme une déclaration d’amour aux arbres, en forme de prescription, de guide initiatique pour un voyage en vérité au cœur de soi.
Vie d’arbre, vie d’homme, également partagées entre pulsion positive de l’élan et du lien et frustration morbide des empêchements et de l’isolement. Voyage lyrique entre terre et écorce, entre empathie et pathétique. Mais voyage spirituel, certainement.
Quand tu n’y crois plus, que tout est perdu Quand trompé, déçu, meurtri Quand assis par terre, plus rien pouvoir faire…
Un poème de Barbara dit ici comme une parole d’espoir – vain sans doute – pour tous ceux que l’inextinguible barbarie de notre espèce tient assis par terre.
« Nous sommes tous les témoins passifs d’une barbarie sans cesse renouvelée »
Tout ce qu’il y a de grand au monde est rythmé par le silence : la naissance de l’amour, la descente de la grâce, la montée de la sève, la lumière de l’aube filtrant par les volets clos dans la demeure des hommes.
Jules Supervielle
Vilhelm Hammershøi
En 1960, Jules Supervielle, avait été élu « Prince des poètes » par ses pairs (René-Guy Cadou, Lionel Ray, Claude Roy, Philippe Jaccottet, Jacques Réda, Alain Bosquet, entre autres)
De ma vie, je n’aurai jamais rien su faire de particulièrement remarquable pour la gagner, ni pour la perdre.
Pierre Reverdy
Pierre Reverdy par Modigliani
Un poème, parmi les derniers, de Pierre Reverdy qui affirmait avec passion – et raison – que l’œuvre constitue le seul lieu de rendez-vous qui vaille entre le poète et les autres hommes…
Il prétendait également que la diction était une véritable trahison du poète. Sa trop grande propension à l’indépendance, avec la part narcissique qu’elle nourrit inévitablement, l’avait peut-être empêché de considérer que l’interprétation, la réappropriation de la parole de l’auteur, n’étaient au fond que la conséquence naturelle d’un rendez-vous pleinement réussi.
« Face à la musique de Schubert, les larmes coulent sans questionner l’âme auparavant, puisqu’elle se précipite sur nous avec la force même de réalité, sans le détour de l’image. Nous pleurons, sans savoir pourquoi ; parce que nous ne sommes pas encore tels que cette musique nous promet d’être, mais seulement dans… »
Théodore Adorno
Jamais, dans l’œuvre de Schubert, sa musique n’aura entretenu une aussi étroite proximité avec la mort que dans l’Andantino de lasonate pour piano N° 20en La Majeur (D 959) et l’Adagio du Quintette avec deux violoncelles (D 956), tous deux composés dans les dernières semaines de sa courte existence.
« Berceuse de la douleur ».
C’est ainsi que Brahms avait surnommé le deuxième mouvement Andantino de la sonate N° 20 – D 959 en La majeur. Et l’on comprend pourquoi :
Les premières notes de l’Andantino entament un chant hypnotique, rythmé par le seul pas pesant, las et douloureux, du voyageur résigné. Poignant.
Rien ne semble bouger, pas même…
A propos du Quintette en Ut à deux violoncelles, le grand pianiste viennois, Paul Badura-Skoda, écrit en 2001 :
« Seul celui qui a entrevu l’autre rive du Styx, le fleuve qui enserre le royaume des morts, peut créer une œuvre d’une telle portée. »
Il y a des moments où il faut absolument laisser dormir sur leurs étagères poussiéreuses, dans la paix du savoir qu’ils n’ont pas su nous transmettre, tous les Confucius, les Socrate, Schopenhauer et autres Kant.
Il y a des moments d’exception où, loin des bibliothèques et des chaires, la philosophie s’exprime dans sa plus pure vérité, dignement vêtue du seul costume qui lui convienne, la modestie, à travers une simple fenêtre sur rue, depuis le vieil ivoire d’un piano droit d’où s’échappent quelques notes de Jean-Sébastien Bach. Si l’on prête l’oreille, on peut entendre une enfant du XXème siècle, âgée de 110 ans, à qui le grand Schnabel lui-même avait jadis dit qu’il ne pourrait rien lui apprendre de plus au piano, jouer du bout des doigts l’« invention à deux voix » en Fa majeur. Si l’on tend l’oreille, on reçoit la plus belle leçon de philosophie qui se puisse donner, celle qui apprend à garder le cœur grand ouvert.
Il y a des moments, courts instants d’éternité, où l’on comprend que la vie s’invente, s’invente, s’invente…
Il y a des moments où écouter aux fenêtres est un impérieux devoir, salutaire… peut-être…!
∴
« I am full of joy »
Paroles prononcées par Alice Sommer, la plus vieille survivante de l’holocauste et personnage central de ce formidable reportage diffusé hier soir, mardi 5 mai 2015, sur France 2, dans l’émission INFRAROUGE.
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy