Cette vie humaine est impénétrable, mais elle est pleine de sens. Fixe ton but et vas-y tout droit, sans trop te demander si tu y arriveras. Il y a un temps pour tout, n’est-ce pas ? Un temps pour la souffrance, un temps pour la joie, un temps pour l’agitation, un temps pour la paix. Par delà tout, il y a la vie qui s’offre en sa force débordante.
François Cheng – « Le Dit de Tian-Yi » – Ed. Albin Michel (1998)
Meilleurs Vœux pour 2023 !
Puissiez-vous, chacun, trouver en vous et autour de vous la paix indispensable à l’épanouissement de la « vie bonne » et du bonheur que je vous souhaite pour cette année nouvelle !
A cette occasion, que nos espoirs les plus fous trouvent dans la quasi perfection de ce pas-de-deux dansé en toute simplicité par Marianela Núñez et William Bracewell matière à inspirer leur propre réalisation.
« Le ragtime est la musique sur laquelle Dieu danse quand personne ne le regarde. »
Alessandro Barrico (‘Novecento : pianiste‘)
Sarah Lamb – Elite syncopations
Le grand Royal Ballet de Londres se lâche… Oubliés pour un temps les incontournables sujets du répertoire classique, Lac des Cygnes, Manon, La Belle au Bois Dormant et autre Giselle.
Tchaïkovski, Massenet, Adam se retournent-ils dans leurs tombes ? La compagnie danse le Ragtime ! Celui du début du XXème siècle, celui de Scott Joplin !
Manon et Des Grieux, confinés dans la passion qui les anime, et dans l’appartement parisien qu’a loué le jeune amoureux, « fraudent les droits de l’Église » de la plus belle des manières :
Est-il instant plus pathétique que celui qui enferme dans la furtive extase d’un baiser d’amour le sourire de la grâce et la noblesse des corps ?
Manon : Federico Bonelli & Marianela Nunez (Royal Opera House)
Trop discrète ? Trop pudique ? Intimidée sans doute ?
[…]
Bref ! Vous croyez, charmante Elvire, que votre silence, quelle qu’en soit sa raison, gardera secrets les dévergondages de votre nuit dernière entre adultes consentants. Comme vous faites erreur ! Big Brother a les photos…!
Mieux, la vidéo !
Freedom Ballet
Σ
Quant à votre journée… Chacun de vos gestes est enregistré. Depuis la première minute de votre réveil…
… Mais, — ne le dites à personne — la Tarentelle, je ne la danse pas « vraiment » comme le jeune pêcheur napolitain de Duret… Et encore moins (ben voyons !) comme nos deux danseurs étoiles du Het Nationale Ballet…
Francisque Duret – Jeune pêcheur napolitain dansant la Tarentelle – bronze – 1833
Variations sur le thème de la Tarentelle, de la sculpture à la danse classique en majesté, en passant par un vieil air de variétés à succès et une page de la littérature romantique !
Oui ! Je le reconnais bien volontiers, l’allusion au plus célèbre des « westerns spaghetti » est tellement grossière – pardon ! – que je devrais en rougir de honte. Et pourtant, j’assume. Et si vous ne me tenez pas rigueur de cette trivialité, vous permettrez peut-être à votre curiosité de vous laisser découvrir les merveilleuses héroïnes que j’ai ainsi qualifiées.
Si ces épithètes dont je les affuble représentent assez justement les personnages qu’elles incarnent, chacune dans son rôle, ajouter qu’elles sont merveilleuses ou délicieuses est assurément s’exprimer en deçà de la réalité.
A ceci près qu’elles ne sont pas rivales entre elles, d’époques et de pays différents, elles sont, comme Blondin, Joe et Tuco, les trois personnages du film de Sergio Leone, à la recherche d’un trésor. Mais leur ambition va bien au-delà de la banale convoitise de nos cow-boys prêts à tout pour posséder quelques pièces d’or. Ce que veulent nos belles, c’est l’amour ou le pouvoir, et pourquoi pas les deux.
Elles aussi ont leurs armes : le charme, la beauté, la grâce, la séduction, dont chacune fait usage selon sa sensibilité et son caractère. Elles n’ont pas besoin de colts pour menacer, effrayer, dissuader ou conquérir ; quand ces messieurs au stetson, planqués derrière un rocher dégainent leurs fusils à canons sciés, elles aguichent dans la pleine lumière qui les flatte et virevoltent, élégantes et racées, sur la pointe de leurs chaussons. Le danger n’en est que plus grand, la réussite de leurs ambitions plus sûre.
Enfin, et pour s’amuser jusqu’au bout de la symétrie ainsi créée, faut-il préciser que si nos héros à la gâchette facile sont aussi américains que leurs interprètes, nos héroïnes, qu’elles viennent des terres de Silésie, de la Rome antique, ou de la lumineuse Andalousie, ont toutes trouvé leur incarnation chez les plus grandes étoiles russes.
« La bonne » : Natalia Osipova (alias Giselle)
C’est une gentille et naïve paysanne, Giselle, qui apprend que celui qu’elle aime, Albrecht, est fiancé avec une princesse. Elle en meurt. La reine des Wilis (les jeunes filles mortes vierges) condamne Albrecht à danser jusqu’à en mourir, mais l’esprit de Giselle, en accompagnant sa danse, lui épargne ce sort tragique.
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« La brute » : Svetlana Zakharova (alias Egine)
Egine, c’est l’intrigante héroïne du ballet Spartacus, composé par Aram Katchaturian dans les années 1950 et inspiré de la « Guerre des gladiateurs », troisième et dernière rébellion des esclaves contre la république de Rome. Egine, concubine du riche et puissant Crassus, membre du triumvirat avec César et Pompée, tient absolument à éliminer Spartacus, chef des esclaves rebelles, pour servir à la fois son désir de vengeance et sa farouche volonté d’accroître son pouvoir. Elle donnera libre cours à ses cruels instincts en organisant une bacchanale au cours de laquelle seront lâchement exécutés tous les rebelles. Spartacus sera crucifié sur les lances des légionnaires.
Regardons-la, féline et enjôleuse jusqu’à la pointe du pied, séduire Crassus pour le persuader de la laisser agir :
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« La truande » : Diana Vishneva (alias Carmen)
On ne présente plus Carmen, la bohémienne, la sauvageonne cigarière de Séville. Chacun sait comment notre gouailleuse et séduisante héroïne manipule le pauvre brigadier Don José qu’elle a rendu amoureux fou d’elle. Chacun connaît ses ruses et ses facéties d’habile femelle et personne n’ignore ses étroites accointances avec les contrebandiers de la montagne.
Quelques claquements de castagnettes, quelques pas de danse dans la moiteur érotique d’une nuit espagnole, et nous voici à nouveau envoûtés, conquis, perdus, mais… comblés :
« La beauté est un mystère qui danse et chante dans le temps et au-delà du temps. Depuis toujours et à jamais. Elle est incompréhensible. .. Elle est dans l’œil qui regarde, dans l’oreille qui écoute autant que dans l’objet admiré. .. Elle est liée à l’amour. Elle est promesse de bonheur. A la façon de la joie, elle est une nostalgie d’ailleurs. » Jean d’Ormesson (« Un jour je m’en irai sans avoir tout dit »)
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« Il y a dans la sensualité une sorte d’allégresse cosmique. » Jean Giono (in « Jean le Bleu »)
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« Qu’est la volupté elle-même, sinon un moment d’attention passionnée au corps ? » Marguerite Yourcenar
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Laura Morera et Eric Underwood dansent un extrait de
« Chroma », ballet de Wayne Mc Gregor
Musique du groupe rock The White Stripes : « The hardest button to button »
Hélas ! L’image est vaine et les pleurs éternels !
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Voici dans l’eau ma chair de lune et de rosée, Ô forme obéissante à mes yeux opposée ! Voici mes bras d’argent dont les gestes sont purs !… Mes lentes mains dans l’or adorable se lassent D’appeler ce captif que les feuilles enlacent, Et je crie aux échos les noms des dieux obscurs !…
Paul Valéry (extraits de « Narcisse parle » in « Album de vers anciens »)
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy