Des six odes écrites par John Keats en 1819, la dernière, l’Ode à l’Automne, considérée par beaucoup comme un sommet de la poésie romantique de langue anglaise, fait figure de testament poétique du grand écrivain, tant elle précède de peu sa disparition.
Depuis la fin de l’été jusqu’aux premiers frimas de l’hiver, l’automne, traversé comme un long jour crépusculaire, offre au poète son foisonnement de largesses et de beautés ; mais jamais cette maturité féconde de la nature ne manque d’évoquer l’inévitable déclin dont elle est le vivant symbole.
« Saison de brumes et de moelleuse profusion, « Tendre amie du soleil qui porte la maturité, »
[…]
John Keats (1795-1821)
Matthew Coulton dit « To Autumn »
Et deux traductions du poème par :
– Robert Davreu
– Albert Laffay
* Ici repose celui dont le nom était écrit dans l’eau.
Épitaphe gravée sur la tombe de John Keats conformément à son désir,
et telle qu’il l’a lui-même composée.
« Être adulte, c’est avoir pardonné à ses parents. »
Goethe
Outremer – Herménégilde Chiasson (peintre, poète et écrivain acadien)
Outremer
Je resterai avec vous jusqu’à l’heure émouvante où votre cœur sera devenu un continent glacé dans le grand moment perdu de la route. Lorsque tout se blase et se déforme dans le regard kodachrome des touristes. Sur la terre où nous n’avons fait qu’aimer.
J’aurais aimé avoir tes yeux, mon père, pour regarder la mer, […]
Paul Delvaux (1897-1994) – Sirène à la pleine lune
« Mĕsíčku na nebi hlubokém, »
« Petite lune si haute dans le ciel »
Une petite sirène, heureuse au fond de son monde aquatique, s’éprend d’un prince humain, et pour le conquérir désire devenir femme. Pour prix de sa métamorphose, la perte de la parole. Elle deviendra donc muette. Mais si l’amour du prince devait s’éloigner d’elle, sa reconquête conduira le jeune homme à mourir dans ses bras. Tragédie inévitable. Alors, devenue être hybride entre femme et nymphe, notre héroïne sera condamnée pour l’éternité à errer entre deux mondes. Tragique destinée réservée à ceux qui veulent sortir de leur condition.
C’est le rapide résumé de ce conte magique et ondin, livret de l’opéra « Rusalka« de Dvorák. Mais ne nous y trompons pas, au delà de l’aspect enfantin, ce conte, comme beaucoup d’autres, dépasse son folklore pour rejoindre les rivages escarpés de la psychanalyse.
Jaroslav Kvapil, poète tchèque fort prisé de son temps, à la fin du XIXème siècle, inspiré par « La petite sirène » de Hans Andersen et d’autres contes comparables sans doute, écrit ce livret au cours d’un séjour sur une île danoise de la mer Baltique. Dvorák, qui a déjà, entre autres, composé une bonne dizaine d’opéras reçoit ce texte, et sept mois plus tard, en mars 1901, « Rusalka » est donné à Prague qui accueille cet opéra comme une œuvre nationale, très vite vénérée dans la Tchécoslovaquie natale du compositeur.
Il faudra du temps aux salles européennes pour programmer cette œuvre aux délicieuses mélodies, mais ces dernières années ont fait place belle à cet opéra, à Paris, à Bruxelles, et à Londres, en particulier.
Antonin Dvorák (1841-1904)
La musique de Dvorák créé ici une atmosphère enveloppée et enveloppante. La douceur des mélodies, la délicatesse des harmonies, la souplesse des rythmes, confèrent au lyrisme de l’œuvre et à sa magie, une touche impressionniste.
Fleuron de ce conte lyrique, l’ « Ode à la Lune ». Délicieux moment du premier acte où l’ondine implore la Lune de la rapprocher de son prince bienaimé.
On ne compte plus les grandes cantatrices qui ont chanté cet appel chargé d’émotion et d’espoir. La plupart me charment, beaucoup me séduisent, certaines m’émeuvent, mais il n’y en a qu’une qui me touche au cœur, directement, c’est Lucia Popp, sans conteste, une des plus formidables sopranos du XXème siècle. (Le 16 novembre 1993, à 54 ans, elle a cessé de lutter contre la tumeur au cerveau qui la harcelait).
L’enregistrement est assez ancien, certes, mais quel accompagnement orchestral, quelle voix, quelle grâce!
– J’ai la conviction que le monde serait bien différent si chaque soir, en se couchant, les enfants entendaient leurs mères les conduire ainsi au pays des rêves. –
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy