Le drame du début du premier acte de « Don Giovanni » de Mozart est consommé, le commandeur est mort, tué par Don Juan au cours de leur altercation à propos de Donna Anna.
Accompagné de son fidèle et intelligent serviteur, Leporello, et en quête de nouvelles aventures, Don Juan rencontre sur son chemin une amante éconduite qui peste et jure de se venger de son odieux séducteur.
La faible clarté ne permet pas aux personnages de se reconnaître. Ne pouvant se douter qu’il s’agit de Donna Elvira, qu’il a abandonnée il y a peu, et souhaitant séduire cette nouvelle proie, Don Giovanni commence à la consoler. Mais très vite la jeune femme identifie le bourreau de son cœur et « crie » son désir de vengeance. Fuyant alors le conflit, comme à son habitude, Don Juan abandonne la pauvre Donna Elvira auprès de Leporello à qui il confie le soin de tout lui expliquer.
Et c’est l’occasion du fameux « catalogue », au cours duquel le malicieux valet, pour décrire la personnalité de son maître va débiter avec force détails à « Madamina » (Petite Madame) la liste interminable de ses conquêtes à travers le monde. Non content de lancer les chiffres qu’il s’évertue à tenir à jour, il ajoute ses propres commentaires sur les charmes variés de ces dames ou demoiselles, selon qu’elles sont brunes, blondes, petites ou grandes ou encore qu’elles ont la peau laiteuse ou le teint halé.
» Ma in Ispania… mille e tre! «
L’air est célèbre entre tous, et c’est toujours un plaisir de l’entendre. Mais il arrive que ce plaisir soit magnifié… (Il commence réellement à 1’35 »). Et lorsque la diction est aussi belle, les sous-titres sont superflus.
Donna Elvira est Kate Royal – Don Giovanni est Gerald Finley
Les versions du Don Giovanni ne manquent pas, les Leporello non plus. Mais je dois avouer un réel penchant personnel pour le visage que lui prête ici Luca Pisaroni qui me paraît être le plus « juste » de tous ceux que j’ai pu voir interpréter. La voix est belle, profonde et chaude; le comédien est parfaitement à son aise dans toutes les attitudes qu’exige de lui la délicate situation où l’entraîne son maître, et dont il nous montre fort bien qu’elle n’est pas exceptionnelle, et qu’elle serait même volontiers, parfois, de nature à lui procurer, à titre personnel, quelque plaisir cynique. Et jamais ce Leporello ne se départit de l’ironie profonde avec laquelle il considère la volonté compulsive de séduire qui caractérise Don Juan.
Un bien délicieux moment d’opéra, comme toute la réalisation très réussie de cette œuvre d’ailleurs – voix, orchestre, direction , mise en scène – donnée à Glyndebourne, en Angleterre, en 2010.