Vient de paraître sur « De braises et d’ombre » :
Les eaux de mon été -7/ Gondola mia
Comme il est agréable, quand le printemps fait éclater les tendres couleurs de sa jeunesse, d’emprunter, pour rejoindre le village, l’étroit chemin de terre qui suit les bords translucides du lac. Certes le trajet est un peu plus long, car on y rencontre les voisins que les rigueurs de l’hiver ont tenus éloignés.
Ce matin-là, le clocher sonnait déjà le onzième coup de midi et personne encore au sein du petit groupe rassemblé sur la rive ne ne s’était laissé aller aux sempiternelles fadaises sur l’inexorable fuite du temps. Et pour cause… Tous étaient captivés par l’énigme qui les préoccupaient : quelques minutes avant que les premiers eussent commencé à former l’attroupement, Pavel, le jeune apprenti boucher, rentrant de livraison, avait aperçu, là, tout près du rivage, posé sur le fond du lac, à quelques centimètres de profondeur, un bracelet en or qui ne demandait qu’à être ramassé. Un jeu d’enfant. Et comme il n’y avait aucun témoin, une merveilleuse aubaine !
Accroupi sur le sable du rivage, le jeune homme plongea son bras au fond de l’eau, mais le bracelet disparut aussitôt. Il renouvela son geste plusieurs fois, changea de position, modifia l’angle de pénétration de son bras dans l’eau, rien n’y faisait. Tous ses efforts s’avéraient vains, le bijou disparaissait dès que sa main brisait la surface liquide. Les curieux, pendant ce temps, s’étaient multipliés autour de lui.
Tous voyaient l’objet précieux, immobile, offert sans entrave à la main qui le saisirait, mais aucune ne parvenait à s’en emparer. Pavel en était à sa vingtième tentative, tout aussi vaine que les précédentes. Chaque fois qu’il croyait avoir atteint son but, ses doigts se refermaient sur quelques bulles d’eau claire et le bracelet s’effaçait pour réapparaître à la même place aussitôt l’onde apaisée. Personne ne comprenait l’étrange phénomène, mais chacun était sûr que la prochaine tentative serait la bonne.
Pourquoi donc, ce bracelet, que tout le monde pouvait parfaitement voir au fond de l’eau, sans nul doute possible, était-il donc inatteignable ? Les esprits s’échauffaient et chacun y allait de son hypothèse : untel disait que le Diable prenait un malin plaisir à les tourner en bourriques, tel-autre prétendait que Dieu, lui-même, voulait les mettre à l’épreuve de leur cupidité, certains, perplexes, demeuraient muets, mais derrière la fixité de leur regard on pouvait imaginer leur crainte d’avoir été victimes d’une quelconque malédiction.
L’énigme avait touché à ce point paroxystique, lorsqu’un membre du groupe pétrifia d’un cri la petite communauté effervescente : il avait aperçu à une centaine de pas environ, près des rochers qui dominent le lac, le vieux Vaclav, un homme d’âge avancé, solitaire, mais toujours affable avec qui venait à sa rencontre, et jamais avare de ses connaissances et de sa sagesse envers qui les sollicitait :
– Hé ! Monsieur Vaclav ! Monsieur Vaclav ! S’il vous plaît, rejoignez-nous, on a besoin de vous. S’il vous plaît !
Vaclav leva légèrement le bâton qui lui servait de canne en guise d’accusé-réception et se mit en marche, de son pas habituel, tranquille, vers le petit groupe impatient.
Dès que le vieil homme eut pris sa place au centre de l’assemblée, le jeune livreur commença le récit de son incroyable aventure avec ce maudit bracelet ; chacune de ses phrases était ponctuée par le hochement de tête approbatif d’un témoin ou par un murmure choral de confirmation. Il fallait évidemment que le « Maître » n’ignorât aucun détail si l’on voulait que son avis fût aussi judicieux que possible.
Vaclav s’approcha du bord du lac, regarda l’eau claire qui ne cachait ni les cailloux moussus posés sur le fond, ni le bracelet. Après une poignée de secondes, il affirma :
– Le bracelet n’est pas au fond de l’eau.
Stupéfaction générale. Devinant les interrogations que personne n’osait formuler à haute voix, Vaclav, en forme de réponse, tendit un doigt vers le sommet d’un arbre dont le feuillage en avancée sur la rive surplombait le lac à l’endroit du rassemblement. Accroché à l’une des branches, un bracelet, illuminé par le plein soleil de midi, brillait de tous les éclats de l’or. Il se reflétait dans le miroir des eaux, quelques mètres plus bas. Une pie – voleuse, comme chacun sait – aura probablement dérobé le bijou et l’aura abandonné là, sur cette branche.
Le vieux sage s’apprêtait à reprendre sa route, abandonnant son petit monde à sa surprise et à sa déconvenue. Avant de partir, esquissant un sourire discret et bienveillant, il ajouta :
– Prenez garde aux illusions de la matière ! A ne jamais regarder vers le haut, on ne doit pas s’étonner de ne voir que le reflet de ce qui est au-dessus de soi.
Hélas ! L’image est vaine et les pleurs éternels !
[…]
Voici dans l’eau ma chair de lune et de rosée,
Ô forme obéissante à mes yeux opposée !
Voici mes bras d’argent dont les gestes sont purs !…
Mes lentes mains dans l’or adorable se lassent
D’appeler ce captif que les feuilles enlacent,
Et je crie aux échos les noms des dieux obscurs !…Paul Valéry (extraits de « Narcisse parle » in « Album de vers anciens »)
Un mystère est levé.
En ouvrant, après de longues années d’effort assidu, la garde-robe de la Lune, des chercheurs danois lui ont tout récemment découvert une robe du soir que la coquette nous cachait depuis si longtemps. On peut même se demander d’ailleurs si c’est une robe. Le soleil ne pouvant déflorer l’intimité de l’endroit, tout laisserait à penser que notre chère planète s’y expose nue, dévoilant ainsi aux curieux intrépides la vraie couleur de sa peau.
Couleur de la face obscure de la lune – Euronews 01/2014
Et quelle couleur ! TURQUOISE. Couleur de la pierre dont les indiens Navajo disait qu’elle était un morceau de ciel tombé sur terre.
Symbole encore plus beau, quand on sait que cette couleur de la face non-éclairée de l’astre des poètes – à ne pas confondre avec sa face cachée – est dû au jeu de la réfraction du bleu de la Terre.
Levé le mystère, la poésie continuera, heureusement !
Impatience de savoir ce que désormais cette face turquoise inspirera au poète dont les couleurs de la lune, éternelle confidente, n’ont jamais cessé de refléter les humeurs ?
Tino Rossi chante « Luna Rossa » (1952)
♥ Cybill Shepherd ♥ chante « Blue moon » – Extrait de la série télévisée américaine des années 80, « Moonlighting » avec Bruce Willis en trompettiste .
« L’heure exquise » de Reynaldo Hahn, sur un poème de Verlaine « La lune blanche », avec Claudine Ledoux (mezzo-soprano) et Olga Gross (harpe)
La lune blanche
luit dans les bois.
De chaque branche
part une voix
sous la ramée.
O bien aimé[e]….L’étang reflète,
profond miroir,
la silhouette
du saule noir
où le vent pleure.
Rêvons, c’est l’heure.Un vaste et tendre
apaisement
semble descendre
du firmament
que l’astre irise.
C’est l’heure exquise !Paul Verlaine
Mais moi, Narcisse aimé, je ne suis curieux
Que de ma seule essence ;
Tout autre n’a pour moi qu’un cœur mystérieux,
Tout autre n’est qu’absence.
Ô mon bien souverain, cher corps, je n’ai que toi !
Le plus beau des mortels ne peut chérir que soi…
Paul Valéry (« Fragments du Narcisse »)
Née dans une région perdue de quelque pays d’Asie, cette petite histoire a fait, depuis le début du XXème siècle, un long voyage vers ce billet, pour nous faire sourire. Mais pas que…!
Là-bas, dans une province peu fréquentée, archaïque et pauvre, une poignée de paysans cultivent durement le riz et élèvent quelques porcs dans des fermes sommaires et isolées. Comme à chaque fois que le moment vient de vendre les animaux, Zhou part avec quelques bêtes rejoindre le marché, à la ville située à un jour et demi de marche. Alors qu’il s’apprête à s’engager sur le chemin bourbeux avec son minuscule troupeau, Yun, son épouse, lui crie : – « Et n’oublie pas de me rapporter un peigne! ». Zhou, sans se retourner, lève simplement une main fatiguée en signe d’acquiescement.
Le marché terminé, les bêtes bien vendues, Zhou estime mériter quelques verres de huangjiu et se rend à l’auberge voisine. Mais après quelques carafes de ce puissant alcool de riz, la lassitude du voyage aidant, notre paysan n’a plus les idées claires.
Juste avant de reprendre la route une pensée toutefois parvient à franchir les vapeurs qui embrument son esprit : sa femme lui avait demandé de lui rapporter quelque chose ; mais quoi? Un objet de toilette, peut-être? Il entre donc au bazar du coin et incapable de faire fonctionner sa mémoire accepte la suggestion du vendeur, il achète un miroir à main.
Yun, déçue de n’avoir pas reçu son peigne, prend malgré tout le miroir, et, alors que son mari repart aux champs, le présente face à elle. Aussitôt elle se met à sangloter. Sa mère, alertée par les hoquets de sa fille, s’approche d’elle et lui demande pourquoi ces pleurs.
– « Zhou a ramené Madame numéro 2 ! » dit-elle, catastrophée, en montrant l’objet.
– « Fais voir! » dit la mère prenant le miroir en main. Puis, l’ayant regardé attentivement, annonce : – « Ne t’inquiète donc pas, elle est bien vieille; et elle n’en a plus pour longtemps! ».
Voilà, me semble-t-il, une jolie allégorie des pouvoirs du miroir, de ce « beau miroir » que, vêtue des atours de la méchante reine ou parée de la coiffe fleurie de la tendre fillette, éternellement, la féminité questionne.
Par la richesse symbolique qu’il détient, le miroir exerce sa fascination sur le genre humain depuis le fond des âges. La relation entre le visible et l’invisible, entre le réel et l’imaginaire, entre l’intelligible et le sensible, en un mot entre le sujet et son reflet, n’a jamais cessé de tourmenter les esprits. Réflexion, réflexivité, illusion, autant de paradoxes qui confèrent au miroir sa part d’ambiguïté et de mystère. Ce miroir schizophrène dont l’autre face ne cesse d’alimenter l’intrigue.
Ainsi le thème de la « femme au miroir » a-t-il nourri l’inspiration de bien des artistes et des écrivains de toutes les époques. Plus que tout autre peut-être, – allant jusqu’à devenir lui-même parfois son propre sujet, posant au fond du miroir – le peintre, observateur discret et sensible, a regardé la femme se regardant, fascinée par son propre reflet, vaniteuse narcissique ou naïve jouant avec son image, la questionnant sans cesse.
De ce formidable intérêt pour la psyché les chefs-d’œuvre du genre abondent, que nous prenons toujours plaisir à regarder… pour y trouver peut-être une réponse que notre miroir lui-même ne nous a pas encore donnée.
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