… Pas totalement dedans… mais surtout pas dehors !
Antonello de Messine – Saint Jérôme
XII – 8
Il dessinait partout des fenêtres. Sur les murs trop hauts, sur les murs trop bas, sur les parois obtuses, dans les coins, dans l’air et jusque sur les plafonds. Il dessinait des fenêtres comme s’il dessinait des oiseaux. Sur le sol, sur les nuits, sur les regards tangiblement sourds, sur les environs de la mort, sur les tombes, les arbres.
Il dessinait des fenêtres jusque sur les portes. Mais jamais il ne dessina une porte. Il ne voulait ni entrer ni sortir. Il savait que cela ne se peut. Il voulait seulement voir : voir.
Il dessinait des fenêtres. Partout.
Roberto Juarroz – » Poésie verticale «
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Bruegel – L’ouie – 1618
Raoul Dufy – Nature morte au poisson et aux fruits -1920-22-Huile-jpg
Raoul Dufy – Fenêtre ouverte à Nice – 1928-Huile – Art Institute Chicago
Edgard Degas – Danseuse chez le photographe
Chagall – Vue de la fenêtre à Zaolchie -1915
Chagall – Paris par la fenêtre -1913
Chagall – Fenêtre sur jardin -1917- Musee Brodski -St-Petersbourg
Caspar David Friedrich – Femme à la fenêtre -1822- Nationalgalery
Caillebotte – Place de l’Europe -1876.-Coll-part
Caillebotte – Interieur – Femme à la fenêtre -1880- Coll.Privée
Caillebotte – Homme-à la fenêtre -bd-Haussman
Louise-Adélone Drölling – 1821 – Jeune fille dessinant une fleur
Hopper – Morning in a city – 1944
Hockney -1974 – Contre-jour
Henri Lebasque – Nu à la fenêtre -1926 – Musée Indianapolis
Vermeer – Le géographe
Vilhelm Hammershoi – Femme lisant à la fenêtre
Vilhelm Hammershoi – Fenetres
Gabriele Münter – Femme à Stockholm
Henri Le Sidaner – Soleil dans la maison – Orsay
Henri Le Sidaner – Le dessert 1904 – Musée Martin Gray
Charles Camoin – Le chat devant la fenêtre ouverte (Aix-en-Provence)
Charles Camoin – Fenêtre à Saint-Tropez
Van Gogh – Fenêtre de la chambre d’hôpital
Pierre Bonnard – La fenêtre ouverte sur la Seine
Munch – Nuit à saint Cloud
Munch – Melancholy Laura
Monet – Camille à la fenêtre
Matisse – Violoniste à la fenêtre-1918
Matisse – Les persiennes
Matisse – Femme avec parapluie
Matisse – Ouvrez la fenêtre 1921
Pierre Bonnard – Fenêtre
Pierre Bonnard – La salle du petit déjeuner -1930- MOMA
Magritte – Éloge de la dialectique
Magritte – La condition humaine
Magritte – Le téléscope
Balthus – Jeune fille à la mandoline – 2000
Balthus – La chambre 1952-54
Balthus – La fenêtre cour de Rohan -Troyes
Balthus – Le peintre et son modele
Balthus – La-fille à la fenêtre -Moma
Dali – Femme à la fenêtre
René Schützenberger – Liseuse à la fenêtre
Hans Heyerdahl – Jeune fille lisant à la fenêtre
Leonard Campbell Taylor – Rêverie près de la fenêtre
Suzanne Valadon – Jeune fille devant une fenêtre
John Brown
Picasso -La table devant la fenêtre
Carl Larsson – Esbjorn doing his homework – 1912
Wilhelm August Dressler
Georges Rohner – Fenêtre sur la rue Bonaparte
Ruth Dawes
Ivars Jansons
Isaac Henri Caliga – Le kimono rose
Hoogstraten – Vieil homme regardant par la fenêtre
Elle est venue la nuit de plus loin que la nuit A pas de vent de loup de fougère et de menthe Voleuse de parfum impure fausse nuit Fille aux cheveux d’écume issus de l’eau dormante
Après l’aube la nuit tisseuse de chansons S’endort d’un songe lourd d’astres et de méduses Et les jambes mêlées au fuseau des saisons Veille sur le repos des étoiles confuses
Sa main laisse glisser les constellations Le sable fabuleux des mondes solitaires La poussière de Dieu et de sa création La semence de feu qui féconde les terres
Mais elle vient la nuit de plus loin que la nuit A pas de vent de mer de feu de loup de piège Bergère sans troupeau glaneuse sans épis Aveugle aux lèvres d’or qui marche sur la neige
« Elle s’est réfugiée dans la mort en fourrant sa tête dans un nœud coulant, comme on la cache sous un oreiller. » (Boris Pasternak – Prix Nobel de littérature 1958)
Munch – Baiser de la Mort
Les yeux
Deux lueurs rouges — non, des miroirs ! Non, deux ennemis ! Deux cratères séraphins. Deux cercles noirs
Carbonisés — fumant dans les miroirs Glacés, sur les trottoirs, Dans les salles infinies — Deux cercles polaires.
Terrifiants ! Flammes et ténèbres ! Deux trous noirs. C’est ainsi que les gamins insomniaques Crient dans les hôpitaux : — Maman !
Peur et reproche, soupir et amen… Le geste grandiose… Sur les draps pétrifiés — Deux gloires noires.
Alors sachez que les fleuves reviennent, Que les pierres se souviennent ! Qu’encore encore ils se lèvent Dans les rayons immenses —
Deux soleils, deux cratères, — Non, deux diamants ! Les miroirs du gouffre souterrain : Deux yeux de mort.
30 juin 1921. Marina Tsvetaeva
Gauguin – Madame la Mort
la plus belle victoire
sur le temps et la pesanteur
c’est peut-être de passer
sans laisser de trace
de passer sans laisser d’ombre.
Ce titre surprenant pourrait laisser attendre une fable surréaliste, ou une histoire de bricoleur ; mais non. Quand on saura qu’il s’agit du tuyau de l’orgue et de la corde du violoncelle, on percevra une présence plus familière à ce lieu qui aime à nicher la musique.
Et puis on entendra, venu des profondeurs du buffet, le souffle étouffé du tuyau, comme un sanglot, et un peu plus loin, exhalée par la caresse soyeuse de l’archet, la plainte profonde d’une corde, comme un pleur inconsolable. On comprendra alors que deux instruments de musique souffrent leur deuil. Tous deux en perdant leurs maîtres ont perdu un peu de leur âme.
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Marie-Claire Alain (1926-2013)
Organiste du siècle et d’éternité sans doute, Marie-Claire Alain est décédée à l’âge de 86 ans le 26 février dernier. Née dans une famille de musiciens au sein de laquelle l’orgue est l’instrument de référence – un père et un frère ainé organistes et compositeurs, un autre frère organiste et musicologue – notre musicienne entre très tôt, vers 11 ans, dans la carrière pour devenir rapidement l’assistante de son père avant de lui succéder, à sa disparition, sur le banc du pupitre de l’Église Saint-Germain à Saint Germain en Laye.
Elle atteint dès lors les sommets de son art et va briller des mille feux de sa musique dans près de 3 000 concerts dans le monde, réputée pour la lumineuse lecture qu’elle fait des grandes partitions et la rare subtilité qu’elle exprime dans le choix délicat de ses registrations. Quel clavier dans le monde n’aura pas été pétri de ses mains expertes?
Marie-Claire Alain laisse, pour notre plus grand bonheur, des trésors discographiques qui couvrent dans sa plus grande dimension le répertoire organistique, avec, en prime, quelques intégrales d’anthologie.
Son absence représente une immense perte pour la musique et sera d’autant plus cruellement ressentie dans le monde de l’orgue pour lequel elle était une pédagogue d’exception.
La voici jouant la « Toccata en Fa majeur » de Jean-Sébastien Bach, sur l’orgue baroque de Saint-Bavon de Haarlem aux Pays Bas, filmée par un très subtil « capteur » de musiciens, Bruno Monsaingeon.
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Janos Starker (1924-2013)
Le violoncelliste génial et extraordinaire pédagogue qu’était Janos Starker a rejoint notre organiste au paradis des musiciens le 28 avril 2013, il y a quelques jours. Il avait 88 ans.
Américain d’origine hongroise, il a marqué de sa patte l’interprétation au violoncelle. Lui aussi est né dans la musique, à Budapest où il intègre la très sérieuse Académie Franz Liszt, aussitôt après s’être produit sur scène à 6 ans. Sa première apparition professionnelle a lieu lorsqu’il doit, au pied levé, remplacé un soliste défaillant, dans le Concerto de Dvoràk, une pièce majeure du répertoire de l’instrument.
La deuxième guerre mondiale et son lot d’horreurs le privent de ses deux frères assassinés par les nazis, lui même ayant été interné quelque temps. Ayant rejoint l’opéra de Budapest à la fin de la guerre, il accepte très mal le pouvoir communiste et part pour l’Europe occidentale. Sa vie y est difficile, l’obligeant à accepter des « petits boulots » pour survivre.
En 1948, à Paris il enregistre une pièce qui a le don de faire fuir les meilleurs violoncellistes du moment tant elle est jugée difficile. C’est une sonate composée pour le violoncelle seul par son compatriote Zoltan Kodaly. A la recherche de sonorités nouvelles et pour donner d’autres timbres à l’instrument, Kodaly (prononcer Kodaï), propose d’utiliser la « scordatura », une façon particulière d’accorder le violoncelle, empruntée à des techniques de la Renaissance. (Technique utilisée aussi pour les instruments à cordes dans les musiques traditionnelles nordiques, reprise, parfois, par certains guitaristes de jazz ou de rock).
Le disque reçoit le « grand prix du disque » de l’année. Janos Starker est désormais reconnu comme un violoncelliste qui compte… et qui ne cessera de compter. O combien!
Il poursuit sa carrière aux États Unis en compagnie des grands de la musique symphonique et de la musique de chambre. Les réussites et les succès s’enchainent encore et encore. La discographie enfle, qui s’en plaindrait? Le répertoire du violoncelle est servi. Et servi à son plus haut niveau!
En 1958 il décide de se consacrer à l’enseignement à l’université d’Indiana, où il créé sa méthode qui fait référence aujourd’hui.
Janos Starker, avec une sonorité bien à lui, travaillée mais sans pathos, savait plus que tout autre faire pénétrer l’auditeur dans son univers musical. Il l’attirait vers lui par la pudeur de son jeu, une introversion peut-être, qui obligeait l’auditeur à faire le pas en plus vers l’interprète, comme l’explique un de ses brillants disciples, Henri Demarquette.
Voici le premier mouvement de la fameuse sonate pour violoncelle seul de Kodaly. Si l’on me demandait d’illustrer musicalement le mot « humanité », c’est certainement cette œuvre que je choisirais. Elle me semble se marier si bien avec la célèbre toile de Munch, « Le cri ».
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Pleurent les cordes, sanglotent les tuyaux… Vibrent les cœurs.
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy
Flâner entre le rêve et le poème... Ouvrir la cage aux arpèges... Se noyer dans un mot... S'évaporer dans les ciels d'un tableau... Prendre plaisir ou parfois en souffrir... Sentir et ressentir... Et puis le dire - S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
"Nouvelle encore, mal connue, parfois mal reçue [...] et cependant nécessaire, la notion de perversion narcissique se situe à un carrefour et une extrémité : carrefour entre l'intrapsychique et l'interactif, entre pathologie individuelle et pathologie familiale du narcissisme, et extrémité de la trajectoire incessamment explorée, reprise et précisée entre psychose et perversion." (Paul-Claude Racamier, 1992a) « La perversion narcissique constitue sans aucun doute le plus grand danger qui soit dans les familles, les groupes, les institutions et les sociétés. Rompre les liens, c’est attaquer l’amour objectal et c’est attaquer l’intelligence même : la peste n’a pas fait pis. » (Paul-Claude Racamier, 1992b) « Les hommes libres dans une société libre doivent apprendre non seulement à reconnaître cette attaque furtive contre l’intégrité mentale et à la combattre, mais doivent aussi apprendre ce qu’il y a dans l’esprit de l’homme qui le rend vulnérable à cette attaque, ce qui fait que, dans de nombreux cas, il aspire à sortir des responsabilités que la démocratie et la maturité républicaines lui imposent. » (Joost Meerlo, 1956)