« La mélodie française va tout droit, sans convulsions et sans frénésie, au rare, à l’exquis, à l’inattendu. » (Vladimir Jankélévitch)
Ernest Chausson 1855-1899
En 1899, le grand mélodiste, Ernest Chausson, composant « La Chanson Perpétuelle » sur douze des seize tercets du poème « Nocturne » de son contemporain Charles Cros, choisit de faire accompagner par un piano et un quatuor à cordes les états d’âme d’une jeune femme abandonnée par son amant.
Connivence des mots et de la musique dans le désenchantement de l’heure crépusculaire où Éros rejoint Thanatos.
De vraies coquines ces anglaises qui chantent si bien notre français, avec tant de grâce et tant de charme. Et si elles se sont un peu éloignées de leurs vingt ans, leur voix a gardé toute la suavité de la jeunesse. Sur la scène ou devant la caméra elles affichent la facilité et la légèreté des plus grandes qu’elles ne sauraient cesser d’être.
Avec les hommes elles peuvent être finaudes et manipulatrices, un rien profiteuses et sans grande considération pour le sexe fort, comme Susan Graham, par exemple :
Ici, elle répète avec son pianiste une pièce extraite de la comédie musicale « L’amour masqué »d’André Messager sur des paroles de Sacha Guitry.
Paroles (de Sacha Guitry)
J’ai deux amants, c’est beaucoup mieux ! Car je fais croire à chacun d’eux Que l’autre est le monsieur sérieux.
Mon Dieu, que c’est bête les hommes ! Ils me donnent la même somme Exactement par mois Et je fais croire à chacun d’eux Que l’autre me donne le double chaque fois Et ma foi Ils me croient Ils me croient tous les deux.
Je ne sais pas comment nous sommes Mais mon Dieu Que c’est bête un homme, un homme, un homme Mon Dieu que c’est bête un homme ! Alors vous pensez… deux !
Un seul amant c’est ennuyeux C’est monotone et soupçonneux Tandis que deux c’est vraiment mieux. Mon Dieu qu’les hommes sont bêtes On les f’rait marcher sur la tête Facilement je crois Si par malheur ils n’avaient pas A cet endroit précis des ramures de bois Qui leur vont ! Et leur font un beau front ombrageux
Je ne sais pas comment nous sommes Nous sommes nous sommes Mais mon Dieu Que c’est bête un homme, un homme, un homme Mon Dieu que c’est bête un homme ! Alors vous pensez… deux !
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Elles peuvent aussi adorer les hommes, et les rechercher passionnément, surtout s’ils ne sont pas trop vieux et s’ils portent l’uniforme. Et qu’importe qu’elles soient grandes duchesses comme DameFelicity Lott dans« La Grande Duchesse de Gérolstein » de Jacques Offenbach.
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Je les aime !
Non, pas les militaires!… Mes deux superbes anglaises…
qui excellent aussi dans la mélodie française… (à suivre)
Ainsi donc, vous pensez qu’une cantatrice, une diva, sur scène de surcroit, ne se laisserait jamais aller à l’humour et à la dérision.
Et si elles sont deux, alors là…!
Eh bien, détrompez-vous!
Même à deux (surtout à deux), même si ce sont deux immenses sopranos, et britanniques en plus, même si elles sont sur scène au Royal Albert Hall de Londres à l’occasion du célébrissime festival annuel des « Proms », elles s’amusent et nous amusent.
Et avec quel talent ! Et avec quelle grâce !
A la fin de leur brillante prestation lors du festival de 1996, Ann Murray (brune) et Felicity Lott (blonde) reçoivent le traditionnel bouquet. Mais si Felicity se voit offrir une splendide gerbe portant la flatteuse inscription « Dame Felicity Lott », Ann n’est gratifiée que d’un tout petit bouquet portant la modeste inscription « Miss Ann Murray« , qui serait plutôt destinée à une jeune débutante.
Et c’est là prétexte à l’interprétation de la remarquable mélodie parodique écrite par Rossini : le « Duo des chats ».
Les deux chattes se livrent à un merveilleux combat d’égos, où l’une, de son miaulement tantôt déçu, tantôt rageur exprimera sa peine et sa colère, tandis que l’autre miaulera fièrement en réponse sa joie et son orgueil.
Jeux de voix, jeux d’actrices, jeux de femmes, qui finiront par faire triompher l’estime réciproque que se portent ces deux chattes si complices.
Un régal dont je serais heureux qu’il participe au bonheur de votre dimanche.
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy
L'oreille du taureau à la fenêtre De la maison sauvage où le soleil blessé Un soleil intérieur de terre Tentures du réveil les parois de la chambre Ont vaincu le sommeil Paul Eluard