« Le véritable amour, toujours modeste, n’arrache pas ses faveurs avec audace, il les dérobe avec timidité. […] »
Jean-Jacques Rousseau
Van Dyck – double portrait de couple – 1619
Serge Reggiani, longtemps après Jean-Jacques Rousseau, porte un même juste regard sur le couple qui se continue à travers les ans.
Les valeurs vraies ne subissent pas, au fond, les déprédations du temps qui passe. Elles ne s’altèrent pas, mais s’adaptent aux formes et aux langages des saisons de l’homme.
« Le jazz est selon moi une expression des idéaux les plus élevés. Par conséquent, il contient de la fraternité. Et je crois qu’avec de la fraternité, il n’y aurait pas de pauvreté, il n’y aurait pas de guerres. »
John Coltrane (saxophoniste 1926-1967)
Live from Emmet’s place
Hé ! Les amis ! Un bœuf chez Emmet, ça vous dit ?
Oui, un « bœuf » quoi ! Une « jam session », si vous préférez : chacun vient avec son instrument, sa voix et son talent et ensemble on fait de la musique. La musique qu’on aime… à condition que ce soit du jazz.
Vous avez le cœur « bluesy », des « cailloux plein votre lit »…
Alors venez ! Venez comme vous êtes.
Soyez qui vous êtes !
On fait le bœuf chez Emmet !
Parmi tous ces nombreux compositeurs du XXème siècle – pas tous très connus certes – qui ont réservé dans leurs œuvres orchestrales une place de premier rang à la forme toccata, deux, différents l’un de l’autre à mille points de vue, ont utilisé le polymorphisme expressif du genre pour brosser musicalement une peinture de leurs pays et de leurs peuples respectifs : Heitor Villa-Lobos au Brésil et Dimitri Chostakovitch en URSS.
Mais, quand la toccata orchestrée par Villa-Lobos dans ses « Bacchianas brasileiras », se propose de jouer avec l’insouciance du folklore ou la légèretélégendairedu peuple brésilien, celle de Chostakovitch, autres lieux – autres mœurs, dépeint et dénonce avec vigueur et réalisme les souffrances extrêmes du peuple russe confronté aux fléaux de son temps, le fascisme, le stalinisme et la guerre.
Tous ensemble ! L’orchestre symphonique : Toccata de la légèreté, toccata du désespoir…
Emmanuel Sellier – Mémoire fossile – terre cuite patinée (site du sculpteur en cliquant sur l’image)
Toi et moi avons tant d’amour qu’il brûle comme un feu ardent. Dans ce feu cuisons une motte d’argile ton visage moulé mon visage moulé. Puis brisons nos deux faces de terre et dans l’eau fusionnons les débris. Reformons nos visages de glaise : Une part de moi dans ton argile Dans mon argile une part de toi.
Vivants nous partageons la même couche Morts nous partagerons le même cercueil.
Kuan Tao-Sheng (Poétesse chinoise du XIIIème siècle)
Traduction libre de la traduction anglaise de Kenneth Rexroth and Ling Chung
Amour sacré de la Patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs !
Sous nos drapeaux que la victoire
Accoure à tes mâles accents,
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !
La Marseillaise – 6ème couplet
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En remplaçant « Hitler » par « Djihad » on pourrait dire que ce poème a été composé un certain dimanche de janvier 2015.
Ce cœur qui haïssait la guerre
voilà qu’il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons,
à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines
un sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent
Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne
Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.
Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs
battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre
à la besogne que l’aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté
au rythme même des saisons et des marées,
du jour et de la nuit.
Robert Desnos né en 1900. Après avoir rejoint la résistance en 1942, il meurt en juin 1945 au camp de Thereseinstadt.
Pour marquer mon dernier voyage de cette courte année chez mes amis « Les Cosaques » je voulais que la perle musicale que j’y déposerais exprimât avant tout le sentiment d’une profonde humanité qu’aucune frontière ne retînt.
Il fallait que le poème, la musique, l’interprète et son message fusionnassent en une émotion unique, forte, juste, qui, sans détour, au-delà du langage, pût sensuellement pénétrer l’âme de chacun.
Je désirais enfin que cette perle servît d’illustration à ce vers du « Cimetière marin » de Paul Valéry : « Le son m’enfante et la flèche me tue » ; afin qu’à l’orée et à l’instar d’une nouvelle année, elle nous fasse à la fois naître et mourir… pour qu’ensemble nous renaissions de son partage, au moins le temps d’un frisson.
J’ai donc déposé sur cette page des « Cosaques », une perle noire, de culture arlequine, qui laisse échapper de son écrin les accents magiques et indéfinissables d’une âme en permanente errance entre naître et mourir : le « duende ».
Oui, je fais ce rêve de voir et d’entendre un jour le peuple de France, conduit par la seule baguette d’un chef d’orchestre, réuni par la musique dans tous les coins du pays, autour de son unique drapeau, chanter d’un seul chœur en liesse, fier et enthousiaste, « Tu ne marcheras plus tout seul », comme le font les anglais, ici en 2013 avec la merveilleuse Joyce Di Donato, à la fin du concert annuel des « Proms » au Royal Albert Hall de Londres. (Et ils ne chantent pourtant pas encore le « Rule Britannia », ni même le « God Save The Queen »…).
Un chant de paix, pour tous, et surtout contre personne ; loin des temples, sans ballon, sans fusil, sans victoire, sans défi, sans vengeance ; un chant, tout simplement pour chanter… ensemble.
« Seule l’utopie du futur réconforte contre le pessimisme de l’Histoire » (Elisabeth Badinter)
Le chant commence à 2’40
Mélodie extraite de la comédie musicale, « Carousel » (Carrousel en français) de Richard Rogers et Oscar Hammerstein (1945).
Quand tu marches à travers une tempête, garde la tête haute Et n’aie pas peur du noir A la fin de la tempête se trouve un ciel d’or Et le doux chant d’une alouette Marche à travers le vent Marche à travers la pluie Même si tes rêves ont été ballottés et soufflés au loin Marche, marche avec l’espoir au cœur…
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy