Liebestod (La mort d’amour)

Richard Wagner (1813-1883)

S’il est un sentiment qui nourrit de sa chair et de son sang l’art lyrique, c’est incontestablement l’amour. S’il est un évènement qui le sous-tend presque systématiquement, c’est la mort. – L’opéra,en vérité, n’est pas si éloigné de notre quotidien.

La scène d’opéra est par nature, ou par définition, le terrain privilégié de la représentation dramatique de cet affrontement, vieux comme l’homme et la femme, entre Éros et Thanatos.

Mais quand le drame est façonné par Richard Wagner et que les héros ne sont autres que Tristan et Isolde, l’art lyrique touche à son sommet.

Dans ce drame célébrissime que Wagner emprunte à la légende celtique, « Tristan et Iseut », le compositeur ramène à une expression simple la passion amoureuse de ce couple impossible. Rien ne permet à ces amoureux de vivre ici et maintenant leur amour, attisé, s’il en était besoin, par le philtre qu’ils ont avalé. Comme ils le chantent tous deux, à l’Acte II, dans le plus long duo d’amour de l’histoire de l’opéra (trois quarts d’heure !), ce suprême bonheur d’être ensemble ne pourra se réaliser qu’au pays de la mort.

« Qu’ainsi nous mourions pour n’être plus séparés, unis pour l’éternité… » 

Il y a dans le regard porté sur cette passion, au-delà du romantisme théâtral, une lumière mystique qui atteint à son paroxysme lorsque Tristan, mortellement blessé par la lame de Melot, rend son dernier soupir dans les bras de sa princesse aimée. A cet instant le drame humain prend fin : c’est le dernier acte, au cours duquel le dernier chant d’ Isolde transcende le sentiment amoureux, comme aucun autre n’a su l’exprimer sur une scène d’opéra.

Elle est désormais seule face à la nuit, sa nuit ; face à la mort, sa mort.  Par sa « Liebestod », « La mort d’amour », Isolde rejoint Tristan, à jamais.

Un point culminant de la beauté dans le drame musical. Oh combien !

Dieu, que la mort est belle !

Wagnérienne parmi les wagnériennes, Waltraud Meier met magnifiquement au service de la passion d’ Isolde la puissance érotique de sa voix. La maîtrise de l’orchestre qui l’accompagne nourrit les couleurs nuancées de son chant pour offrir à l’auditeur ébloui la juste profondeur des sentiments qu’elle exprime.

L’extrait est tiré de l’enregistrement de la représentation donnée à la réouverture de la Scala de Milan en juillet 2007, avec l’Orchestre et le Chœur du Théâtre de la Scala, sous la baguette de Daniel Barenboim. La mise en scène a été confiée à Patrice Chéreau.

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7 réflexions sur “Liebestod (La mort d’amour)

  1. Belle coïncidence, j’ai travaillé il y a deux jours sur le leitmotiv, ou idée fixe selon Berlioz…bon, chez moi, ça n’aura pas le même rendu que chez vous dans mon tome 2. Wagner est à découvrir pour celles et ceux qui l’ont un peu vite « classé », merci Monseigneur!

    • Et pourquoi pas le même rendu? Vous ne me semblez pas mou de la plume, et vos neurones paraissent toujours à la limite du « faux départ », tant ils sont alertes sur les starting-blocks… Ne vous méprenez pas sur vous-même, mon fils, ou « Votre seigneur » pourrait y voir un pêché de fausse modestie. 😉
      Coïncidence amusante en effet ; Wagner – « Tristan » en est un bel exemple – a volontiers utilisé le leitmotiv, et je me demande si ce n’est pas à lui que l’on doit l’emploi de ce mot en musique. Je ne connais pas le nombre de fois où il utilise le leitmotiv dans la Tétralogie, mais je pense que la centaine est atteinte.
      C’est aussi à juste titre que vous citez Berlioz, qui avant Wagner déjà, avait travaillé cette idée fixe, comme la signature d’un personnage par exemple.
      Je suis sûr que vous écrirez un roman, un jour! 😉

      • J’y songe Monseigneur, j’y songe. Et je vous confirme, pour avoir fait de longues recherches pour produire un mini bout de phrase, que le leitmotiv est wagnérien…Comme en terme de confiture, je n’ai que des petits échantillons gratuits, vous pensez bien que je n’irai pas plus loin 😉

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