Croire que « tout a été dit » et que « l’on vient trop tard » est le fait d’un esprit sans force, ou que le monde ne surprend plus assez. Peu de choses, au contraire, ont été dites comme il le fallait, car la secrète vérité du monde est fuyante, et l’on peut ne jamais cesser de la poursuivre, l’approcher quelquefois, souvent de nouveau s’en éloigner. C’est pourquoi, il ne peut y avoir de répit à nos questions, d’arrêt dans nos recherches, c’est pourquoi nous ne devrions jamais connaître la mort intérieure, celle qui survient quand nous croyons, à tort, avoir épuisé toute possibilité de surprise. Si nous cédons à ce désabusement, bien proche du désespoir, c’est que nous ne savons plus voir ni le monde en dehors de nous, ni celui que nous contenons, c’est que nous sommes inférieurs à notre tâche (…)
Quiconque s’enfonce assez loin dans sa sensibilité particulière, quiconque est assez attentif à la singularité de son expérience propre, découvre des régions nouvelles ; et il comprend aussi combien il est difficile de décrire à d’autres les pas effrayés ou enchantés qu’il y fait.
Philippe Jaccottet in « Nuages » – Fata Morgana – 2002 / p. 12
Merci de citer cet immense poète ! Agréable de le lire ici !
Ayant choisi Orphée pour parrain de ce blog, je faisais de cet espace un lieu privilégié pour la poésie et la musique. Comment alors ne pas y ouvrir une porte – qui mériterait d’être bien plus large – à Philippe Jaccottet? Je gage qu’il viendra encore nous rendre visite, avec ses poèmes cette fois, et avec tant d’autres poètes qui me sont chers…
Merci d’avoir apprécié!
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La résignation où quand on oublie de regarder en soi-même le miracle tant attendu chez d’autres, aussi…
La résignation c’est en effet la mort de la question, la fin du regard.