Étonnante histoire, belle et triste, que celle de cette chanson et de son personnage principal Alfonsina.
Alfonsina Storni Martignoni, fillette de quatre ans, arrive en Argentine avec ses parents dans les toutes dernières années du XIXe siècle – la famille vient de quitter Lugano, en Suisse. Vingt ans plus tard, elle publie son premier recueil de poésies, « Ecrits pour ne pas mourir ».
Avant-gardiste dans le pays du machisme exacerbé de Carlos Gardel, féministe avant la lettre, elle exerce différentes activités telles qu’institutrice ou journaliste. A Buenos Aires elle fait la connaissance de Borges, de Pirandello, rencontre Federico Garcia Lorca.
Sa poésie tisse autour de sa fascination pour la Mort et la Mer un voile ténébreux, jusqu’à ce poème « Moi au fond de la Mer » qui se termine par ces vers tout aussi prémonitoires que leur titre :
« Au dessus de ma tête
« Brûlent dans le crépuscule
« Les pointes hérissées de la mer. »
Face aux nécessités économiques elle est contrainte au voyage. A Montevideo, en Uruguay, elle rencontre le poète Horacio Quiroga avec qui elle entretient une profonde relation d’amitié. En 1937, gravement malade, il mettra fin à ses jours en avalant volontairement la cigüe en présence de ses amis. Alfonsina en restera bouleversée.
L’année suivante, les médecins l’opèrent d’un cancer du sein que des analyses ultérieures ne confirmeront pas. En voilà trop, Alfonsina sombre dans la dépression et arrête ses traitements. Elle décide de se suicider. Elle écrit son dernier poème qu’elle adresse au journal « La Nacion » qui le publiera sous le titre « Voy a dormir ». (Je vais dormir)
Le 25 octobre 1938, à Mar del Plata, à 46 ans, elle confie définitivement son corps à cette mer qui avait tant baigné sa poésie. D’aucuns se plaisent à raconter qu’elle a avancé progressivement dans les flots jusqu’à ce qu’ils l’habillent toute (« Alfonsina vestida de mar »).
Plus tard, les compositeurs argentins, Ariel Ramírez et Félix Luna, écriront cette très belle chanson en hommage à la poétesse, reprenant quelques-uns de ses derniers vers. Mercedes Sosa en enregistrera la toute première version.
J’aime quand Lucilla Galeazzi nous raconte cette histoire, accompagnée par L’Arpeggiata de Christina Pluhar qui a donné tant de belles émotions musicales.
L’enregistrement fait partie d’un spectacle et d’un CD récents « Los Parajos Perdidos« , sous titré « The South American Project » où l’on peut se délecter des musiques baroques sud américaines.
Bouleversante cette note… Elle me touche beaucoup. Je connaissais cette chanson mais pas l’histoire de cette chanson. Pas plus que cette poétesse. Merci infiniment Lélius.
J’ai de la chance, mon blog à peine publié, d’avoir une aussi fidèle et enthousiaste lectrice.
Oh! Au vue de la qualité de vos posts, je pense que nombreux vont être vos lecteurs fidèles et tout aussi enthousiastes que moi!
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